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Moi dispositif Vénus : critique #FpF2021

Critique de Giovanny Germany

Ces dernières années, des mouvements tels que les célèbres #metoo ou encore #balancetonporc ont servis à rendre audible la souffrance de femmes jusqu’alors tuent, et cela, du milieu artistique aux sphères populaires. Dénoncer le traitement que le monde réserve à ces femmes est ce que tente de réaliser la pièce Moi, dispositif Venus dont la première s’est jouée le Mardi 23 Mars à 19h30 au Théâtre Tropique Atrium Scène Nationale dans le cadre d’une résidence.

Ce texte à été écrit, mis en scène et interprétée par Adeline Flaun, qui bénéficie déjà d’une belle carrière d’actrice sur scène et à la télévision notamment en Espagne. Elle est assistée d’Alexandra Déglise et Nina Uyà. Et d’une équipe technique composée de Felix Gane, Clara Aguilar à la lumière et au son, Saïdou Bernabé et Parallel 14 à l’animation 3D, Yannis Sainte-Rose pour les vidéos, Kanet et Jean Marc Bullet pour les décors, Jesùs Cobos au costume ainsi que Joseph Tobella pour les photos.

La dramaturgie de Moi, dispositif Venus qui prend des allures de dystopie, place le spectateur dans un monde post-crise à la fin années 2020. Poussée par un programme crypté de services sexuels en ligne – e International Venus, de nombreuses femmes n’ont d’autres choix que de s’adonner à la prostitution, devenant les incarnations des avatars de l’entreprise, dont le seul but est de faire du profit sur le corps de ses hôtesses.

La pièce se distingue par un parti pris scénographique.
L’utilisation d’écrans au service d’une machinerie théâtrale largement dédiée à leur exploitation. Ils sont au nombres de trois. Deux cadres amovibles que la comédienne déplace à loisir sur l’espace scénique et le cyclomoteur en arrière-scène. Ces trois écrans forment la majeure partie de la scénographie de la pièce, et ont des fonctions multiples. Représenter les avatars de Vénus derrière lesquels se cache le corps de la comédienne, les écrans des interfaces électroniques pour signifier un monde froid et digitalisé, déshumanisé.
Signifier l’enfermement, l’emprise d’e-internationale sur les Venus ainsi que de servir paradoxalement à créer une ouverture hors de l’espace dramaturgique de la pièce, sur notre monde réel, car des images d’archives, de moments télévisés y sont projetés.
Associés à des paroles machistes, des chansons folkloriques misogynes issus de notre réalité, ils nous rappellent, à nous spectateur, que nous sommes au théâtre. Un théâtre dont la fonction est de dénoncer un monde pas si dystopique, dans lequel de nombreuses femmes se trouvent déjà, partout à travers le monde.

Malgré ces écrans, qui auraient pu manger le corps de la comédienne tant ils sont imposants, Adeline Flaun dégage une belle présence et fait oublier la surcharge de cadre, de lumières, de sons, d’images projetés, qui exacerbent le sentiment d’un monde digitalisé, où la machine, Frankenstein échappant au contrôle de l’Humain dépassé, a prit le pas sur ce dernier.
La comédienne endosse plusieurs rôles, plusieurs types de Venus, parfois brisées, souvent résistantes, aux origines, aux accents et aux parlers différents. Ainsi, il semble que le message qu’elle déploie sur scène est celui de toutes les Venus du monde.
Les voix des hommes, souvent bourreaux, que la comédienne livre à travers un micro sont viciés, robotisés et semble faire analogie avec le monde de la marchandisation du corps par le numérique que met en évidence la mise en scène. Exprimés au travers des dispositifs sonores de la salle de spectacle, elles semblent faire partie des Venus comme des traces laissées dans leur existence.

Cependant, au-delà des voix, ce sont les corps des femmes qui sont mis en exergue à travers celui d’Adeline Flaun. Un corps qui se dévêtit sur scène, faisant des spectateurs des voyeurs. Un corps qui livre de nombreuses expressions, notamment au travers de danses où il parait désarticulé, exploitant toutes ses possibilités, comme un pantin aux membres éclatés à moins que cela ne vienne signifier la volonté de la femme de récupérer toutes les facultés d’un corps qui ne lui appartient plus.
Car il faut rappeler que cette pièce par les différents signes qu’elle donne à voir, renvoie par évocation à la Venus Hottentaute, symbole de l’érotisation, de la marchandisation, de la prédation exercée envers le corps féminin.

Si nous devions émettre une réserve, ce serait au niveau du rythme, qui, à mesure que la fin de la pièce approche semble un peu plus inégal.
Rien de bien inquiétant dans le cadre d’une première. Moi, dispositif Venus reste une belle expérience, prenante, marquante à en juger par un public qui au dénouement de la pièce à mit du temps à sortir de sa sidération, avant de livrer des applaudissements nourris. Pari réussi donc.


Sous la direction de :

Axel Artheron
Maître de conférences en histoire et esthétique du théâtre dans la Caraïbe
Département de lettres/ Fac LSH Campus de Schoelcher
CRILLASH EA4095
Université des Antilles


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