CinéMartinique Festival

Kouskouri

Genèse

Pour 1998, année du 160ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage, j’avais souhaité faire un film en hommage au Nègre marron, non pas seulement la figure symbolique qu’il représente, mais en contribuant à faire prendre conscience de la difficulté concrète de l’acte de marroner. Il s’agissait à l’époque de ne filmer que les pieds du personnage, afin que l’on s’y identifie aisément, et aussi par volonté stylistique. Créer une poésie dans l’image permettant d’exprimer le sens créole de ”montrer sans montrer”, ”voir sans voir”…

Synopsis

Un homme court. Il parcours 7 différents univers. Le premier, un champ de canne, c’est le symbole de l’habitation, le deuxième la rivière ou on espère se purifier. La troisième, la forêt, et la magie d’un pays que l’on découvre. Le quatrième, un recentrage sur sa spiritualité, le cinquième, la conscience de sa force, la sixième le chemin de la lumière, le septième, la découverte de l’étendu de son emprisonnement.

Kouskouri from Christian Foret on Vimeo.

Ce film n’ayant pu être fait, je gardais le projet de coté. Entre temps en repensant au film et en en visionnant d’autres, j’abandonnais l’idée des pieds. D’autres l’avaient eu aussi et l’avaient réalisée. Par contre je gardais la caméra subjective et en 2003, je fis une maquette, inspirée des textes suivant:


LA TRAITE DES NOIRS N’A PAS EU LIEU.
La traite des noirs n’a pas eu lieu… c’est l’invention d’un historien dément. Il n’y a pas en Afrique une petite plage nommé Ouidah d’où partaient vers l’Amérique des cargaisons de bétail noir….
Leur désolation n’a pas traversé la mer avec des fers aux pieds et des cris dans ses immenses yeux noirs…
On ne les a pas marqués au fer rouge. On n’a jamais compté leurs dents ni tâté leurs testicules. On ne les a jamais palpés, pesés et soupesés ! On n’a pas enseveli le corps de cette race dans des haillons ni son esprit dans les hardes de l’ignorance, ni son coeur dans le vêtement millénaire de la souffrance…

On n’a pas cantonné leurs mains dans les cuisines, les écuries, les soutes, les buanderies, les champs de coton et de tabac, les champs de maïs et de cannes à sucre.

René DEPESTRE


CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL (Aimé CESAIRE)
Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ; que les pulsations de l’humanité s’arrêtent aux portes de la négrerie ; que nous sommes un fumier ambulant hideusement prometteur de cannes tendres et de coton soyeux.
Et l’on nous marquait au fer rouge et nous dormions dans nos excréments et l’on nous vendait sur les places et l’aune de drap anglais et la viande salée d’Irlande coûtaient moins cher que nous, et ce pays était calme, tranquille, disant que l’esprit de Dieu était dans ses actes.
Nous vomissure de négrier
Nous vénerie des Calebars
quoi ? Se boucher les oreilles ?
Nous, soûlés à crever de rouis, de risées, de brume humée !
Pardon tourbillon partenaire !
J’entends de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit d’un qu’on jette à la mer… les abois d’une femme en gésine… des raclements d’ongles cherchant des gorges… des ricanements de fouet… des farfouillis de vermine parmi des lassitudes..
Rien ne put nous insurger jamais vers quelque noble aventure désespérée. Ainsi soit-il. Ainsi soit-il.
Et voici soudain que force et vie m’assaillent comme un taureau et l’onde de vie circonvient la papille du morne, et voilà toutes les veines et veinules qui s’affairent au sang neuf et l’énorme poumon des cyclones qui respire et le feu thésaurisé de volcans et le gigantesque pouls sismique qui bat maintenant la mesure d’un corps vivant en mon ferme embrasement.
Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l’audience comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique…

Aimé Césaire

Les années passent et début des années 2010, je retravaille le scénario, en rajoutant des personnages rencontrés par le nègre marron en fuite. Je tente de créer des intrigues. Ce travail d’écriture ainsi que la lecture du récit « Nègre marron » de Raphaël Confiant, me démontre qu’il existe plusieurs films à faire sur le sujet. Dans la veine des films courts que je réalise depuis février 2009, et afin de passer à l’action, en 2013 que je tourne une version avec un comédien. Je pense tout de suite à Nicolas Nelzi ”Madnik”, par la présence qu’il impose à l’image. Il participera beaucoup par la suite à l’élaboration du résultat final.

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