Les racines abîmées d’une l’Identité, n’empêcheront jamais son Esprit d’atteindre la lumière de son Soleil. De ce fait, créer et générer de nouvelles voies d’écritures de l’histoire permet aux mystères de notre quotidien de s’établir en une vérité : un décentrement1 pour une nouvelle perception.
Papa Djab, la face cachée du masque est un reportage portant sur l’une des mascottes primordiales du carnaval caribéen : Papa Djab. Aussi connu sous l’appellation de «diable rouge» , c’est aux côtés des membres du Mouvement Culturel Tambou Bô Kannal et du sociologue Malik Duranty que nous partons à la découverte de ses significations. Appartenant à la catégorie des événements culturels et cultuels annuel, le « Carnaval », sous-tend donc un accomplissement annuel obligatoire, comme nous le rappel le carnaval martiniquais de 2021 sous COVID-19. Émanant de ce qui est rituel, le documentaire nous embarque dans la quête originelle de ce personnage énigmatique, par le regard de ces connaisseurs intimes, de Martinique au Sénégal, puis au « retour au péyi ».
Intimement, cette démarche me parle : c’est comme un allé de chez soi (vers Toulouse) /un retour au pays (à Jouanacaera) /à la rencontre de qui je veux être (Moi). La plus belle des morales pour l’estime de soi, est partir à l’aventure de qui voulons-nous être, tant dans le sens collectif qu’individuel. Et c’est à travers, cette sensation de comblement, que ce film propose une très belle expérience intellectuelle et personnelle. N’ayant pas vu d’autre film de l’auteur, je peux tout de même affirmer que la démarche artistique qu’il a su utiliser n’est pas unique en son genre. En effet, il semblerait qu’une certaine partie des agents de la scène cinématographie martiniquaise, propose une déconstruction, puis une redéfinition de ce qui doit être appeler (ou non) un « symbole » culturel. Précisons qu’ici, il s’agit d’une proposition de réécriture, en faveur de la mémoire culturelle des afro-descendants caribéen.
Pour cela, nous plongeons dès lors dans les souvenirs du carnaval d’antan. C’est au croisement du road movie (c’est-à-dire, un produit cinématographique qui suit des personnages durant un voyage) et des problématiques sociales interne que l’on retrouve quatre catégories de personnages.
Il y a donc :
1. Le fil rouge : représenté par le sociologue et slameur, Malik Duranty.
2. Les agents de culture [Personne effectuant l’action] : Représentés par les membres d’associations
3. Les acteurs de culture [Personne auteur/créateur d’une action] : sollicités selon le Savoir académique nécessaire à la bonne compréhension de son intrigue.
4. Les Symboles : Victor trèffle, Pap Djab, l’Univers des Mas, l’Eau et A. Césaire.
On obtient alors, des personnages principaux martiniquais, en quête de l’Honneur des « tradition-racines » d’Afrique. Les séquences de leurs interviews s’alternent donc durant cinquante et une minutes, grâce à quatre types de mode de transition : une musique carnavalesque pour les scènes festives ; une musique tribale pour les scènes aventurières ; une noircissement du son et de l’écran représente une fin d’acte ; et du piano et les scènes de voix narrative lié à la Mer. Rythmant dès lors, l’enchaînement des scènes.
C’est d’ailleurs par un très gros plan sur flambeau de bambou allumé puis rythmé par une mélodie d’instruments carnavalistique que s’ouvre l’épopée, l’acte. Suivis de près par la première des sept lettres-poétique du slameur M. Duranty, qui contextualise l’époque contemporaine. La mise en scène est désormais opérative. Les noeuds prennent l’apparence d’entractes, permettant aux personnages de changer de décor, de lieux. Le premier, énoncé par l’anthropologue T. L’Etang, souligne que « je crois que l’essentiel [du savoir ésotérique du mas] est parti ». Alors il faut le retrouver et pour cela il faut consulter des personnes renseignées.
Cependant, il faut souligner que l’on ne peut totalement considérer ces personnages comme fictifs, car chaque intervenant s’incarne. Le texte est évidemment travaillé pour des raisons d’esthétique mais l’une des qualités de ce documentaire est que, l’on y trouve une « forte présence du sensible ». Avoir su saisir la présence des personnalités vivantes ainsi que leurs sensibilités a été un sentiment des plus touchants. On pense notamment à celle de Marie-Lynn Pchyché-Salpétrière, membre de l’association Recherches et Tradition . Pouvoir déceler ces moments d’hésitations dans la construction de sa réflexion avec Malik Duranty a été profondément humble de sa part.
Mais manière générale, le sensible a surtout pu être tangible grâce au sous-titre qui affirme l’indispensabilité de la compréhension du créole dans tous les Arts. À ce propos on peut citer le documentaire du jeune producteur Fabien L’Heureux, À l’école du créole qui réinterroge l’histoire et la place du créole, au travers d’interviews de figures martiniquaises emblématiques. Ces reportage-ci, ont su saisir selon moi, la dimension d’art du vivant dans sa plénitude, car il renvoie directement à l’estime de soi au présent : un modèle. Comme l’émanation d’une sensation réconfortante – celle de correspondre à une façon de voir le monde – qui permet de renforcer la place du cinéma en tant que dimension artiste mais aussi anthropo-éducative. On pourrait faire un parallèle avec l’ouvrage The swimming bridge de Ramabai Espinet, qui retravaille « la construction d’une identité indo-trinidadienne diasporique », établissant une reconnexion entre l’imaginaire et l’identité par la représentation positive [glorieuses] du migrant caribéen.
En ce qui concerne son contenu, la transcendantalité du sensible est bien évidemment retenue comme critère des produits cinématographiques caribéens. Bien qu’il subsiste d’autre horizons à explorés, d’autres psychés abîmées à réparer, le réalisateur aura su effectuer une suture sur la psyché afro-descendante en Martinique d’abord. Et plus largement au sein de la Caraïbe francophone. Pour cela, il faut désormais s’appuyer sur la création de nouvelles représentations : comme celle du quartier Bô Kannal, celle de Papa Djab et par extension du carnaval, de la place des associations au sein de la société Martiniquaise. Et plus largement, l’engagement de jeunes Martiniquais envers leur culture, spécifiquement originaire d’Afrique, renforce l’identité collective ainsi que les sensibilités interpersonnelles, la compréhension de la quête identitaire se voit être accessible et correctement interpréter. Par ce document, s’est manifesté l’importance indiscutable de « ce débordement » : cet ineffable proclamé.
En somme, nous avons pu travailler à partir de l’objet traditionnel Carnaval, afin d’en proposer une relecture plus singulière. Portée par les mots et mémoire de Césaire, la quête de sens de la mascotte Papa Djab, de Bô Kannal, l’île de Gorée nous transmute vers une nouvelle perception. Une perception qui rallie concepts universitaires à pratique culturelle. Une méthodologie dont l’objectif est de représenter les motivations sociales et politiques afin de réunifier la mémoire du peuple. Parmi tous les chemins que l’on peut encore emprunter, Papa djab, la face cachée du masque, propose d’ouvrir une belle voie vers la réparation des déchirures psycho-spirituelles des afrodescandants caribéen. Ce film m’aura propulsé dans ma propre quête.
Désormais, je cherche à connaître mon esprit. Tant par la compréhension des sens de perceptions, que le rôle j’incarne. C’est un merci que je vous adresse. Pour aller plus loin, selon l’article de Curtius Anny Dominique, Gandhi et au-béro, ou comment inscrire les traces d’une mémoire indienne dans une négritude martiniquaise ; Le quartier Bô Kannal situé à proximité du canal Levassor, autrefois appelé Rivière Madame, était une « sorte de ghetto indien » jusqu’aux années 1970. Offrir un éclairage et une réécriture cinématographique ouvrirait la porte aux mémoires culturelles multiple d’un même lieu de mémoire13. Soit une dialectique des mémoires culturelles de ce quartier depuis les années 1940.
Maëlya Toussaint